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Le nu-propriétaire ne pouvait faire jouer la garantie décennale

Lorsque l’usufruitier édifie une construction, il en reste l’unique propriétaire jusqu’à la fin de l’usufruit.

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L’histoire

Denis avait confié à la société Aquazur la maîtrise d’œuvre de la construction d’une piscine couverte sur un terrain appartenant à la société civile immobilière du Canadel, et dont il avait l’usufruit. La réception était intervenue le 5 mars 2008. Trois années plus tard, des désordres étaient apparus, affectant les menuiseries intérieures et extérieures.

Le contentieux

La société du Canadel, nue-propriétaire, avait alors saisi le juge des référés en vue de la mise en œuvre d’une expertise. L’expert avait conclu à la responsabilité du constructeur, la société Aquazur. La société civile du Canadel avait alors assigné le constructeur et son assureur devant le tribunal judiciaire en indemnisation en vertu de l’article 1792 du code civil.

Selon ce texte, tout constructeur est responsable envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent sa solidité ou qui le rend impropre à sa destination. Et l’action contre le constructeur est recevable durant les dix années à compter de la réception des travaux. Aussi, la société du Canadel avait-elle fondé sa demande sur ce texte en se prévalant de la qualité de maître d’ouvrage.

Mais c’était sans compter sur la particularité du droit d’accession, s’appliquant également sur des parcelles agricoles, concernant un immeuble dont la propriété a été démembrée. C’est ce qu’avait fait valoir la société Aquazur pour conclure à l’irrecevabilité de la demande. Elle avait invoqué une jurisprudence qui pose en principe que le nu-propriétaire n’entre en possession des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, de sorte que l’accession n’opère pas immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol.

« La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous »

Les juges lui avaient donné raison en fondant leur décision sur le principe suivant. Si, en vertu de l’article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle, régi par l’article 555 du même code, n’opère qu’à la fin de l’usufruit. Or, en l’espèce c’était bien Denis, usufruitier, qui avait commandé et payé les travaux de construction de la piscine couverte. Aussi la société civile n’en était pas devenue propriétaire, l’usufruit n’ayant pas pris fin.

La société ne pouvait alors exercer l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage. Cette solution a été consacrée par la haute juridiction, en rejetant le recours de la société Canadel.

L’épilogue

La société civile du Canadel ne pourra pas mettre en œuvre la garantie décennale. Quant à Denis, il ne pourra pas davantage exercer cette action, faute d’être propriétaire de l’ouvrage affecté des désordres. Tout au plus pourra-t-il agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

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